Traversées

CACLB, site de Montauban (Luxembourg)
10.09 - 23.10.2022

Extraits des textes de Laurence Baud’huin, avril 2022

"Traversées" offre une carte blanche aux artistes Lucile Bertrand, Myriam Hornard et Sabrina Montiel-Soto. Elle s’inscrit dans une mise en lien entre le CACLB et les collections du musée Gaumais de Virton, dont les collections cheminent des Beaux-Arts aux arts industriels, passant par les coutumes et croyances, l’ethnographie et l’anthropologie.

 

Lucile Bertrand, espace René Greisch

Lucile Bertrand travaille avec l’envie généreuse de révéler certaines perles du musée par la trace de leur absence. Ses moules en creux, comme les objets, disposés ou façonnés, sont des propositions poétiques et sémantiques qui disent l’émotion, ce qui reste quand tout a disparu. Avec la volonté de nous faire passer la lisière du temps et de l’espace, Lucille Bertrand installe des lés de lin ajourés, déployés, qui figurent les trois frontières et témoignent de leur porosité, de leur mouvance. Le visiteur les traverse comme jadis les fraudeurs traversaient les barrages, à la barbe des douaniers.
Attachée à la sémantique et à une certaine rigueur lexicale, Lucile Bertrand utilise également le mot, le texte, comme éléments propices à témoigner des tensions, des pressions qui se cristallisent autour de la question de ces passages que l’on peut nommer selon les cas transhumances, voyages ou migrations. Pour autant, Lucile Bertrand évitera de donner au spectateur l’entièreté des clés de lecture de son travail: c’est en effet toute la subtilité de l’artiste que de laisser une part d’ombre, celle qui pousse à la recherche individuelle, à la curiosité.

Myriam Hornard, bureau des Forges

Myriam Hornard se tourne vers l’enfance comme transition. Une impressionnante diversité de techniques lui permettent de circonvenir le sujet de recherche qui la tient en alerte depuis des années: le temps, la fuite et l’impact que les absents continuent à laisser sur nos vies.Avec une sensibilité palpable, elle traverse le temps sur les épaules de ceux qui ne sont plus. Ses reproductions de détails de tableaux - fronces, boutons qui cachent et dévoilent - explorent le vêtement/témoin des déterminismes. En diffusant des fragments de cérémonies, elle dit les rites qui rythmaient les vies, marquaient les passages. Le travail de la cire issue de lieux de culte, associé aux éléments naturels, questionne enfin le rapport au vivant en soulignant la connexion historique entre nature et sacré dans les lieux investis. Car là est en l’occurrence la clé qui permet de lier dans une grande cohérence cette esthétique baroque, ces rideaux, leurs plis, les os gravés et les ornements architecturaux avec les moulages en cire recyclée, en glace, les messages brodés d’or, les sculptures, les montages vidéos et les projections de l’artiste.

Sabrina Montiel-Soto, espace René Greisch

Avec l’installation Rare est l’occasion de marcher sur les îles des dinosaures, Sabrina Montiel-Soto, originaire du Vénézuéla, invite à traverser les âges immémoriaux dans une œuvre multicouche qui s’inspire du passé préhistorique, géologique et historique des lieux. Elle garde de sa formation de journaliste un attrait pour les rencontres et pour la recherche documentaire, l’enquête in situ et la collecte d’informations. Cinéaste de surcroît, c’est par la narration en images qu’elle entre dans les sujets explorés.
Avec une grande délicatesse, elle propose différents modules articulés dans un équilibre fragile comme nos écosystèmes, et propose par accumulation d’artefacts et d’objets naturels - traces, strates dont l’empilement écrit l’histoire et les histoires - une lecture nouvelle de ces temps de la Terre. Détournant parfois ces éléments de leurs fonctions premières, elle cherche à façonner l’œuvre pour lui donner une dimension poétique. Le regardeur devient alors une part incontournable d’un processus qui développe une narration questionnant notre rapport aux origines et à la nature.

Exposition du 10 septembre au 23 octobre 2022. Centre d’art contemporain du Luxembourg Belge, site de Montauban, rue de Montauban - 6743 Etalle (Luxembourg Belge). T.: +32 63 22 99 85. Ouverture samedi et dimanche de 14h à 18h et sur rendez-vous.

 

 

 

 

 

 

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