L'objectivité est-elle possible ou n'y a-t-il pas moyen d'échapper à notre point de vue personnel ? L'exposition Qu'est-ce que ça fait d'être une chauve-souris ? rassemble les œuvres de quatre artistes/collectifs d'artistes qui abordent la manière dont la réalité est produite. Ils posent des questions sur notre relation avec la vie non humaine - les animaux, les plantes et d'autres formes de vie - et ils attirent notre attention sur des choses dans le monde et sur la science que nous, les humains, avons du mal à appréhender.
Dorota Gawęda and Eglė Kulbokaitė, Mouthless Part III, 2023; Zheng Mahler, What is it like to be a (virtual) bat?, 2022, Produced with the kind support of ifa – Institut für Auslandsbeziehungen, in the context of the project ARE YOU FOR REAL; Metahaven, Capture, 2022; Jenna Sutela, Indigo, Yellow and Green Matter (I Magma Cycle), 2021
Exposition du 17 mars au 04 juin 2023. Kunsthalle Mayence, Am Zollhafen 3-5 - 55118 Mayence (Allemagne). T +49 6131 126936. Ouverture du mardi au vendredi de 10h à 18h, mercredi de 10h à 21h, samedi et dimanche de 11h à 18h.
La question de savoir si l'objectivité est possible a été posée par le philosophe Thomas Nagel dans son texte de 1974 "What Is It Like to Be a Bat?". Nagel utilise les chauves-souris comme métaphore afin de mettre en évidence les différences entre l'expérience subjective et la connaissance objective. Même si nous avons étudié et prouvé expérimentalement toutes sortes de choses sur le fonctionnement des chauves-souris, comme la façon dont elles s'orientent à l'aide de la localisation de l'écho, il restera néanmoins, selon Nagel, impossible de saisir comment une chauve-souris perçoit réellement son environnement. Autrement dit : Vivre un état mental est toujours subjectif. Du point de vue contemporain, les délibérations de Nagel peuvent être lues comme un appel à se comporter avec plus de respect et de modestie envers les autres formes de vie et formes de conscience. Ceci constitue le point de départ des œuvres de l'exposition. L'expérience de pensée avec la chauve-souris établit un lien avec les approches contemporaines qui, comme Nagel, insistent sur des positions moins centrées sur l'humain lors de la recherche de sensations sensorielles et sujettes. L'empathie et la coexistence entre les espèces sont au centre de leurs préoccupations, alors que nous, humains, face à un monde au bord de l'effondrement climatique, avons besoin de nouveaux modèles pour la coexistence de différentes formes de vie, indispensables à un environnement intact.
Dans cette matrice où se mêlent aperçus des sciences naturelles, problèmes philosophiques et questions d'éthique et de politique, les approches artistiques de l'exposition peuvent servir de passerelles, de spéculations et de recherches plus approfondies. Les systèmes de connaissances alternatifs et la nature leur fournissent des sources de connaissances qui élargissent la vision occidentale centrée sur l'humain et éclairent la réalité dans une multiplicité de constructions. Faisant référence à Nagel, le duo d'artistes hongkongais Zheng Mahler explore les limites de l'appareil humain et comment, en utilisant la technologie, nous pouvons nous transposer dans des états de transition entre la conscience humaine et la conscience plus qu'humaine. Alors que les sculptures de Jenna Sutela engagent des formes d'intelligence qui ne sont pas d'origine humaine mais d'origine végétale, animale et informatique, le film Capture (2021) de Metahaven évoque un récit spéculatif et poétique sur l'étonnant terrain d'entente entre la physique des particules, les lichens et les chauves-souris et ce faisant n'exclut pas les grandes questions de la philosophie, de la science et de la vie quotidienne. Enfin, Dorota Gawęda et Eglė Kulbokaitė interrogent dans Mouthless Part III (2023) comment le changement climatique et la technologisation ont influencé la représentation de la nature. Leurs paysages sont peuplés de créatures complexes et contradictoires qui font de la nature un espace de spéculation.
Commissaire d’exposition : Yasmin Afschar, directrice par intérim, Kunsthalle Mainz.