Michel Mazzoni, L’œil gauche de Dieu, Anyspace, Ixelles

Michel Mazzoni, L’œil gauche de Dieu
Anyspace, Ixelles (Belgique)

16.02 - 17.03.2012






























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Le texte de présentation de Frederic Collier, 2011


S’envoler, c’est se détacher, se libérer de la pesanteur, prendre du recul pour atteindre les cieux et partager le point de vue des dieux. Que l’on croie l’Univers d’origine miraculeuse ou le fruit des hasards de la matière, la Terre et sa « civilisation » n’en demeurent pas moins étranges et fascinantes lorsqu’on les contemple en prenant de l’altitude. Cette Terre reste le territoire universel que l’Homme s’est approprié à ce jour. Il y prolifère abondamment, lui inflige des stigmates visibles depuis l’espace, la couvre de ses empreintes, parfois sublimes, souvent grossières. Et puis, la nature reprend le dessus, avec violence : tremblements de terre, éruptions volcaniques, raz-de-marée, inondations, ou en prenant son temps comme la végétation ou la poussière qui finit par tout recouvrir. La nature réorganise ou efface simplement les constructions humaines avec le temps.

Michel Mazzoni se pose en observateur éclairé de ce jeu incessant auquel se livrent l’homme et son environnement. Comme un archéologue du paysage contemporain, il guette les traces, les empreintes, les griffures et les stigmates de la colonisation de la Terre par l’Homme et la disparition de celles-ci. Il voyage, parfois à l’autre bout du monde, parfois aux pieds de son immeuble pour en saisir l’essence, avec patience et subtilité. La vision artistique qu’il nous offre de notre monde souligne le côté éphémère des choses. « Ici, plus que tout ailleurs, tout peut disparaître… » martèle-t-il sur les murs de ses expositions. C’est en organisant l’une d’entre elles, que j’ai découvert cette série de travaux « aériens » qu’il a plus tard intitulée God’s Left Eye.

God’s Left Eye, c’est un voyage poétique et graphique en altitude, une exploration cartographique de mondes « invisibles ». C’est également et surtout une étude géopolitique, sociologique, historique et géologique. Depuis quelque temps, la carte fait partie intégrante de ses travaux, et au-delà de son rôle de document, devient œuvre à part entière. Quatre axes principaux ont servi de base à la sélection de ces images ; les routes traversant les déserts, les terminaux d’aéroports, les villes et les sites d’essais militaires. Ils ont en commun d’être des formes de non-lieux tels que les a définis Marc Augé ; des espaces interchangeables où l’être humain reste anonyme. L’homme ne vit pas et ne s’approprie pas ces espaces, avec lesquels il a plutôt une relation de consommation temporaire.






































Exposition du 16 février au 17 mars 2012. Anyspace, 59 rue Van Eyck - 1050 Ixelles (Belgique). Tél.: +32 471 88 26 17. Ouverture du jeudi au samedi de 14h à 18h.


































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God’s Left Eye révèle la passion de Michel Mazzoni pour la littérature et le cinéma. D’abord les textes qui ponctuent souvent ses travaux photographiques. C’est encore le cas pour cet ouvrage qui reprend des citations d’écrivains et de philosophes qu’il met en relation avec les sujets traités pour donner une nouvelle résonance à ses images. Le cinéma ensuite. Dans ses travaux réalisés sur le terrain, on trouvait déjà cette idée de fading de l’image, une forme de dématérialisation par une surexposition intentionnelle. La volonté d’atteindre un « degré zéro » de l’image, une forme d’abstraction minimale. La lumière qui dissout les formes et les estompe, ce qui le rapproche de l’écriture d’un peintre. Ici, le fond rejoint la forme ou inversement, l’image elle-même est sur le point de disparaître.

On retrouve ce procédé dans la série God’s Left Eye auquel il adjoint celui de la sous-exposition. La plupart du temps, ce traitement de l’image par un procédé de surexposition ou de sursaturation, est lié à la densité humaine sur le fragment de « territoire » traité. Ainsi, les déserts tendent vers le blanc alors que les villes tendent vers le noir. Symbolique des couleurs. Est-ce un oracle ? Mazzoni ne se prend pas pour dieu, l’artiste n’embrasse que le point de vue des dieux, un regard subjectif et donc « gauche », celui d’un homme.


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