Séquences & Vibrations

CACLB site de Montauban-Buzenol (Luxembourg)

11.06 - 28.08.2022

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Textes de Laurence Baud’huin, avril 2022


Durant toute la période estivale, trois artistes nous invitent à une promenade sonore parmi les espaces, extérieurs et intérieurs, du site de Montauban. Un fil rouge, celui du son – et plus encore, du son en mouvement –, relie en effet les installations visuelles d’Anne-Marie Klénès, Mathieu Zurstrassen et Pierre Berthet. Les créations proposées individuellement par chacun sont conçues à partir de différents matériaux sonores, souvent inattendus, et jouent des effets acoustiques ainsi produits. Une démarche poétique, délicate, insolite aussi, et donc toujours mouvante, stimulante pour l’imaginaire : animer de vibrations les perceptions des visiteurs tout au long du parcours, et les laisser se glisser en douceur dans l’univers sensible de chacun des trois protagonistes.









































 











































































Anne-Marie Klénès

Vestiges historiques de l’ancienne activité industrielle de Montauban, les ruines de la halle aux charbons dégagent dès le premier abord une force d’attraction qui appelle à un réel enchantement de tous les sens. Anne-Marie Klénès (Vielsam, 1959), familière de Montauban, investit l’espace, déjà ornementé par un jardin à la française du 17e siècle, entièrement composé depuis 2012 de « mauvaises herbes » par l’artiste Aurélie Slonina.
Enthousiasmée par le rôle ancestral des paraboles acoustiques, qu’elle avait déjà abordé en 2006 au musée du Coticule à Salmchâteau, et la capacité de diffuser des sons de manière dynamique entre un émetteur et un réflecteur coniques, Anne-Marie Klénès a conçu, grâce aux calculs mathématiques réalisés par Xavier Kaiser du laboratoire acoustique CARE-CEDIA (Université de Liège), deux miroirs paraboliques en acier, de 2,5 mètres de diamètre. Le choix de l’acier crée un lien avec le site des anciennes forges. Les ondes sonores se diffusent sur la distance de 23 mètres qui séparent les murs existants où sont adossées les paraboles. Entre l’acier, matière solide et statique, et le son, matière fluide et légère, se révèlent des instantanés sonores, qui deviennent les messagers d’une interaction murmurée entre les visiteurs.
À l’étage de l’Espace René Greisch, Anne-Marie Klénès joue d’un art subtil de la composition en proposant au regard une installation de plusieurs colonnes d’ardoises, sinueuses ou droites. Ces colonnes servent d’instrument pour une pièce musicale diffusée dans l’espace du container, composée pour l’occasion par la formation Cadenza Momentum. Et dans le silence, ces œuvres d’une présence quasi monacale entrent en résonance avec la simplicité (apparente) de la découpe, de l’agencement (calculé), de l’empilement irrégulier de la matière schisteuse. Sans que celles-ci n’y perdent en sensualité sobre, ni en tactilité secrète, les ardoises, fragiles mais indomptables, irriguent l’espace.















Anne-Marie Klénès, 'Résonances'



Anne-Marie Klénès, 'Résonances' Pierre Berthet, dessin préparatoire pour une installation

Pierre Berthet, dessin préparatoire pour une installation



Pierre Berthet

Quand on demande à Pierre Berthet (Bruxelles, 1958) quels éléments font vivre ses installations et compositions musicales si visuellement surprenantes, il évoque pêle-mêle la percussion, les carillons, les bruits de l’environnement, l’improvisation. Dans ses créations, il associe des éléments naturels, tels l’eau, l’air, les plantes mortes, mais aussi des « objets vivants » qui produisent des sons : des fils d’acier, des boîtes à conserves, bidons, cuvettes, branches de bois, sachets plastiques… qu’il assemble et fait se rejoindre. Autant d’instruments sonores aussi insolites à observer qu’à écouter.
À partir de tous ces sons, où circulent bruits de gouttes d’eau, frottements, secousses, résonances, mouvements d’air ou battements animés, se met en branle une écote intimiste de ce que l’artiste nomme « l’âme des choses ». Fasciné par les « shishi-odoshi », des fontaines traditionnelles japonaises qui produisent des sons à partir d’eau et de tubes de bambou, il réalise des concerts-performances avec l’artiste japonaise Rie Nakajima.
À Montauban, il met en place des compositions à partir de « chaises musicales » (déclenchant des mécanismes sonores quand on s’assoit dessus), et une installation extérieure qui tire notamment parti des sons et mouvements de l’eau.

Mathieu Zurstrassen, 'Zurstrassen Kinetics', laiton, aluminium, plumes, moteur et électronique © photo : Mathieu Zurstrassen

Mathieu Zurstrassen, 'Zurstrassen Kinetics', laiton, aluminium, plumes, moteur et électronique © photo : Mathieu Zurstrassen


Mathieu Zurstrassen

Chez Mathieu Zurstrassen (Ucle, 1979), architecte de formation, le son, le visuel, et des éléments aussi anodins que des tuyaux de métal industriel, s’agencent en créations sonores soigneusement composées.
Au rez-de-chaussée du bureau des forges, l’artiste présente une installation inédite. Elle s’inscrit dans sa série des « Portails sonores », créée à partir d’effets acoustiques ténus. Fragments de conversations, bruits, chuchotements, souffles extérieurs, ces mélanges acoustiques sont diffusés en sourdine. Aucune image ne perturbe l’écoute. Il s’agit pour le visiteur de se relier à des sons habituellement existants, mais difficiles à capter si l’on n’y prend garde. Et de réveiller ensuite son imaginaire, à partir de ce que ces sons peuvent lui suggérer.
À l’étage, l’artiste dispose des créations mobiles, d’une série intitulée « Zurstrassen Kinetics ». Il y réunit des objets conçus et usinés pour chaque sculpture, mise en mouvement par un agencement de moteurs et d’engrenages, et affranchie de toute technologie inutile. Les propriétés des matériaux sont souvent utilisées au maximum de leur élasticité. Ces sculptures cinétiques mettent au jour notre rapport aux objets matériels, au temps qui s’écoule sans fin, tel un sablier, au faisceau lumineux qui sort un objet de la pénombre et lui donne une nouvelle dimension vivante.

Exposition du 11 juin au 28 août 2022. CACLB, Centre d'art contemporain du Luxembourg Belge, Site de Montauban-Buzenol, rue de Montauban B-6743 Buzenol Etalle (Luxembourg). Tél.: +32 63 22 99 85. Ouverture en juin: samedi et dimanche de 14h à 18h ou sur rdv. En juillet et août: du mardi au dimanche de 14h à 18h.





 











 





 



























 





 











Séquences et Vibrations, CACLB Montauban-Buzenol, Luxembourg

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