Eve Heltzer, Maintenant, vous la voyez!

Article dans le New-York Times, 13 janvier 2004
















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En 1970, quand Robert Smithson décida de construire Spiral Jetty, sa recherche de site commença avec un intérêt inusité pour les lacs salés ; il avait entendu dire que les micro-bactéries qui vivaient dans un environnement à haute teneur saline donnaient à l’eau l’apparence d’une soupe à la tomate. Depuis que Smithson a achevé Spiral Jetty, le niveau des eaux du lieu choisi - un endroit singulier du Grand Lac Salé en Utah - a subi des fluctuations. Il est monté au plus haut, engloutissant la sculpture dans ses profondeurs et normalisant peu à peu la couleur « extraterrestre » du lac. Cependant, quelques pèlerins « mordus » ont continué à affronter le déplacement jusqu’à son emplacement isolé, sachant pertinemment que l’oeuvre intègre sa disparition aussi bien qu’autre chose.


Maintenant Spiral Jetty est de retour. Absente ou présente, elle a toujours été un anti-monument dans l’idée de Smithson d’un monde gouverné non par les certitudes de la raison, mais par l’illogisme de la matière. « Ni idées, ni concepts, ni systèmes, ni structures, ni abstractions ne pourraient tenir ensemble dans la réalité (de ce site) », a écrit Smithson. Si vous présumez que le retour de l’oeuvre signifie que tout est clair comme du cristal, alors il mieux vaut vous rendre sur place et observer par vous-même l’état actuel de désagrégation du corps de Spiral Jetty.


A première vue, l’oeuvre est encore distante et écrasée par l’échelle de son environnement. Depuis cette perspective, le tracé de Spiral Jetty est disjoint, ses groupes de rocs blancs bien éloignés de la plénitude formelle transmise par de récentes séries de photographies. Ces images, entourées des rumeurs d’un « quelque chose de merveilleux », ont toujours exercé leur magie : des foules de visiteurs arrivent, souvent sans connaître le « qui-quoi-quand-pourquoi » du travail. "Quelqu’un m’a dit d’aller voir ce Spiral Eddy, confie folle de rage une jeune femme en sortant de sa Volkswagen Jetta. Une chose est claire : chacun veut parcourir la jetée - familles, collégiens, voyageurs et gens du pays, tous arrivent par la route pour faire le tour de la spirale sur le Grand Lac Salé, s’arrêtant pour échanger un salut et comparer des notes. Une sculpture dans l’environnement n’a certainement jamais eu autant de succès. Toute cette attractivité amène une nouvelle donne - des visages chaleureux s’éclatent dans ce qui apparaissait initialement comme un lieu dépourvu de vie.


En attribuant à Smithson la préoccupation de tels paysages délabrés, on n’aurait pu imaginer que Spiral Jetty put être aussi belle. A l’ancienne place des rocs et de la vase s’étale maintenant une brillante croûte de sel blanc. La couleur réputée « rouge » du lac a viré au rose argenté - couleur certes problématique : familière, domestique et de stéréotype féminin, mais née d’un étrange, inhospitalier monde salin. Cette dualité amplifie la complexité de la temporalité de l’oeuvre - la sensation que le lieu porte, selon la formule de Smithson, une « ruine à l’envers ». Spiral Jetty est renouvelée - baignée de champagne rosé. Mais l’immobilité du paysage stérile ressortit d’autres temps et lieux : le surgissement du passé à l’ère glaciaire ou d’un futur lointain sur la lune. Toutes ces ambiances différentes sont liées ensemble par des millions de millions de fins cristaux de sel revêtant le paysage.


La nature profonde de l’oeuvre peut être découverte dans la logique de ces colonies cristallines. Se dispersant pendant son expansion, le cristal de sel reflète en miniature les multiples perspectives offertes par le site. Le voyage au centre de la spirale, par exemple, est étonnamment long et déstabilisant, et, une fois enfoncé dans la Spiral Jetty, l’expérience qu’on y vit donne sens aux mots de Smithson : « étapes mesurables », « abandonner la logique », « la pureté logique, soudain, se trouve elle-même dans un marécage ». C’est seulement vue de la crête en hauteur au-dessus du lac, au milieu d’un espace dispersé de rocs noirs et de broussailles sèches, suffisamment tard dans la journée pour que Spiral Jetty s’efface sous sa propre ombre, que la structure reprend sa forme originelle - préservée dans les premières photographies. De cette position, la couleur du lac s’épaissit, la base encore submergée de l’oeuvre semble affleurer à la surface, et l’on peut presque se convaincre que cette Spiral Jetty est bien celle habitant notre imaginaire.

























































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Exposition du 7 septembre au 2 novembre 2012. Rio de Janeiro, divers lieux (Brésil).

© ArtCatalyse International / Marika Prévosto 2012. Tous droits réservés


Expositions internationales en cours

Le nom OiR, "Rio" épelé à l'envers, se réfère précisément à l'idée de penser à la ville d'une autre manière. Le projet vise à relancer et rafraîchir la tradition d'appeler le regard d'un étranger sur le paysage de Rio de Janeiro, initiée lorsque les aventuriers et les explorateurs européens des premières expéditions ont amarré leurs bateaux dans la baie pour tenter d'explorer et de traduire les mystères de ce nouveau territoire. Plus récemment, cette tradition a été reprise dans les essais de penseurs illustres tels que l'anthropologue franco-belge Claude Lévi-Strauss et l'écrivain autrichien Stefan Zweig.

Selon Dantas, l'art public a aussi un aspect social important, car « il rassemble les gens de différentes classes sociales autour d'un concept qui leur redonne la faculté d'ouvrir les yeux à la nouveauté et à leur patrimoine propre, tout en créant des espaces uniques, des lieux de réunion et des points de repère dans la ville. »

Les oeuvres réalisées dans la phase initiale du projet sont inspirées par le thème "Le Milieu", qui, selon les mots du conservateur, se concentre sur « l'espace que nous occupons, ce qui nous unit.. »







Archives 2004 - La Spiral Jetty de Robert Smithson

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Eve Heltzer, Maintenant, vous la voyez! Article New York Times 13 janvier 2004 Artcatalyse International